"Parmi les différents collectifs qui se sont manifestés durant la longue période de protestation contre la loi sur le mariage de 2013, le mouvement des Veilleurs avait de quoi déconcerter. Radicalement non violent, s’appuyant sur des références inattendues (de Martin Luther King à Gandhi en passant par Ivan Illich, Antonio Gramsci ou même René Char…), il a paru suffisamment original pour brouiller les lignes et susciter l’intérêt d’un public plus divers qu’on imagine. Parmi ses figures les plus en vue, Gaultier Bès, jeune agrégé de lettres de la région lyonnaise, accompagné d’Axel Rokvam et de Marianne Durano, livre aujourd’hui avec Nos limites une sorte de manifeste théorique qui confirme cette originalité.
Ce court texte entend promouvoir une écologie « intégrale », autrement dit une écologie à contre-courant de l’esprit libéral-libertaire, qui met au centre de sa réflexion une question qu’on s’accordera peut-être à qualifier de brûlante en ces temps virevoltants où le mot « révolution » n’apparaît plus qu’à l’occasion de la sortie d’un nouveau Smartphone : qu’est-ce qui constitue un monde authentiquement humain ? La réponse proposée en creux dans ce vigoureux petit texte n’a rien de définitif. On comprend cependant que notre capacité collective et individuelle à nous interroger sur nos propres limites (et même à en « jouir » – la formule est dans le texte !) est au cœur du problème. Du coup, les ambitions affichées ici par nos promoteurs de l’écologie intégrale pourront sembler bien modestes aux modernes que nous sommes (presque) tous. Camus, dans un tout autre contexte, nous avait pourtant prévenus : l’important, aujourd’hui, n’est peut-être pas de chercher à refaire le monde, mais tout simplement d’empêcher qu’il ne se défasse. Sale époque, décidément."